Expériences publiques
L’espace public est le champ très précieux de la transformation du quotidien.
Parce qu’il est l’espace de tous les possibles, il a le pouvoir de nous entraîner hors de nous même. Sa valeur dépend de son potentiel d’expérience et d’aventure.
La transition de l’espace privé vers l’espace public semble aujourd’hui particulièrement intéresser la possibilité d’existence des libertés individuelles. Alors que les citoyens sont de moins en moins animés par des inspirations communes, l’expression des libertés individuelles doit être protégée et encouragée. Additionnées et imbriquées les unes aux autres, ces prises d’initiatives contribuent à redéfinir la vie collective et l’espace public. Fédératrices d’interactions et de relations nouvelles au sein de la ville, ne sont-elles pas aussi une forme ultime de résistance à la surdétermination des lieux ?
L’obsession de la société envers le contrôle et l’infaillibilité bloque toute chance de découverte ou d’imprévisible, toute possibilité qu’il se produise de l’espace public. Que signifie une société qui empêche de se perdre, de s’isoler, d’avoir peur, de sortir une chaise de chez soi ? La surdétermination des usages et des codes sociaux, l’excès de délimitations mettent en ruine l’idée d’espace public.
Pourrait-on se sentir en ville comme dans la mer, à la montagne, dans une forêt ? Dans un territoire ouvert dont les repères d’urbanité sont minimisés et dont l’attention porte sur l’expérience de l’illimité. Il y a sans doute un enjeu politique nouveau lié au parti pris de l’espace vert. Celui-ci est à redéfinir à la lumière de l’espace public en ce qu’il peut organiser la ville, les relations entre les gens et à la mobilité autrement. En ce qu’il peut accueillir de marges de libertés et générer de dépaysements. L’espace vert est à la fois la trame et le hasard. La structure et l’aventure. Deux fonctions qu’il s’agit de rendre indissociables.
Dans le cadre de la biennale Agora 2014, nous voulons travailler sur la nécessité d’indétermination et de solitude comme condition de l’espace public et sur l’expérience spatiale des limites, en ce qu’elles rendent possible de basculement.
Youssef Tohmé
© Jérémie Buchholtz