Et après l’appel à idées 2012 « Habiter les chais »
Au-delà de la sélection du jury, le panorama des réponses illustre la richesse de ce patrimoine et de son potentiel d’évolution.
Il offre un large éventail de propositions plus ou moins réalistes mais néanmoins très précieuses car elles ouvrent l’imagination.
Un rapide parcours à travers cet ensemble de réponses permet de dégager quelques premiers éléments d’analyse.
Deux attitudes s’opposent :
- conserver l’épannelage  général des chais, le gabarit des toits notamment, implique de cantonner le projet dans le volume existant et d’imaginer un programme qui puisse s’y installer,
- postuler la densification nécessaire impose de s’en affranchir et d’imaginer un nouveau paysage.
Des programmes en résonnance avec le contexte urbain
Dans l’ilot Dupaty, la présence du  « jardin de ta sÅ“ur »  légitime les programmes de potagers et  de serres collectives, celle des quais, des liaisons douces ou de passages pour les rejoindre à l’abri des flux automobiles.
À Belcier, restaurants et hôtels trouvent une justification dans la proximité de la nouvelle gare qui mettra Bordeaux à deux heures de Paris, maison de quartier à vocation socio-culturelle, résidences d’artistes dans la perspective d’un pôle artistique sur le quai de Paludate, et  même deux propositions de maisons closes  qui partent du constat de la difficulté  d’éviter le racolage dans ce quartier.
Enfin, l’accent peut être mis sur la possibilité de reproduire le principe d’aménagement à d’autres chais et parcelles du même type qui se trouvent à proximité ou pas. Transformer les chais en serres pour cultiver en pleine ville des légumes frais porte l’ambition de retrouver dans les quartiers de Bordeaux une nature productive.
Conservation : réutilisation de l’existant
L’architecture des chais se prête à de nombreux nouveaux usages qui, de plus, peuvent se conjuguer : auberge de jeunesse, résidence intergénérationnelle, hôtel, boite de nuit, piscine, serre, galerie d’art…
Alors qu’un chai est somme toute un bâtiment assez simple dont on trouve de nombreux exemples, y installer un programme inhabituel parait plus adapté à la conservation des structures existantes.
Murs en pierre appareillées des façades sur rue ou en simples moellons, charpentes en bois ou en métal, anciennes cuves ou décors intérieurs sont les quelques motifs matériels dont le repérage, la restauration et la mise en scène conservent aux chais leur singularité et témoignent de la mémoire du lieu.
Alors que la couverture de tuiles est démontée, conserver voire reconstruire à l’identique la charpente métallique suffit à rétablir le volume rendu spectaculaire par le jeu des ombres et de lumière qui animent les murs.
Les murs existants, laissés libres, sans revêtement, forment une toile de fond et révèlent la profondeur des halles.
Le recyclage d’éléments singuliers jusque dans les détails confère au programme nouveau qui investit le chai une véritable originalité; tels ces studios d’enregistrement, ces bains, ces microscopiques salons de cinéma installés dans les anciennes cuves.
Même la végétation spontanée venue envahir les chais abandonnés devient jardin.
Transformation : recherche de la lumière naturelle
Le volume du chai est propice à la réalisation d’équipements ouverts au public : centre commercial, piscine[1], serre partagée, pôle artistique, école de danse, voire centre de détention ou maison close… semble  ainsi pouvoir s’installer facilement dans l’enveloppe du bâti…à condition toutefois d’imaginer un dispositif d’éclairement satisfaisant.
La longueur des bâtiments peut convenir pour une piscine et il suffit de déposer le toit pour ouvrir les bassins au plein air.
Maisons de quartier et pôles culturels s’acclimatent des doubles hauteurs. L’installation de verrières en toiture et la dépose d’une partie du plancher du premier niveau dégagent de grands volumes  propres à une utilisation collective de ces bâtiments.
Si la question de l’éclairage est essentielle, elle ne se pose pas de la même façon selon la situation urbaine et le caractère architectural.
Créer des patios sur un ou deux niveaux comme dans l’ancien chai Hannapier, déposer une partie de la toiture, la remplacer par une verrière, ou soulever le toit pour ménager des baies sont les réponses les plus fréquentes. Si le chai est composé de plusieurs halles, alors il est possible qu’une d’entre-elles soit entièrement découverte de son toit de tuiles. Transformée en passage, sous un toit de verre ou laissée ouverte et aménagée en jardin, les murs qui la bordent s’ouvrent de baies qui apportent aux nefs parallèles  l’éclairage naturel et  la ventilation nécessaires.
Une réponse possible mais qui ne saurait être répétée à tous les chais. Au contraire la transformation en fermes, serres et jardins urbains conserve la vocation productive et pourrait être répétée pour réintroduire l’agriculture vivrière en ville.
Des transformations plus profondes
Transformer un chai en logements entraine systématiquement son découpage en plusieurs tronçons desservis par des coursives qui soulignent au contraire la profondeur des chais. Dédiés aux espaces partagés, les rez-de-chaussée facilitent la connexion avec le quartier quand ils sont rendus publics. Les espaces privés investissent alors les niveaux supérieurs pour bénéficier du meilleur éclairement  possible mais aussi de vues.
De nombreux exemples s’observent : construction sur pilotis ou par strates, densification verticale par la construction de tours ou volumes en dehors du gabarit, superposition d’unités d’habitations conçues comme un enchevêtrement de boîtes … toutes ces formes d’’expression architecturale s’apparentent à celle que l’on observe dans la construction neuve : ossature bois ou métallique, béton blanc, verres.
C’est aller encore plus loin que de démolir le chai pour reconstruire à neuf un volume qui en évoque la ruine.
En somme, les résultats de cet appel à idées exposent la diversité des postures, parfois contradictoires, en matière de reconversion de ce patrimoine industriel si typique à Bordeaux que sont les chais.
Les quatre sites choisis ont offert la possibilité de proposer des restaurations du patrimoine le plus monumental de ces bâtiments, symbolisé par les anciens chais Hannapier mais représenté aussi, de façon plus modeste et ordinaire, par ceux de la rue du Commerce.
Aux Chartrons, la ruine d’un chai caché en fond de parcelle a permis de travailler sur la mémoire de la lanière, tout comme dans l’îlot Dupaty où il ne reste plus qu’un mur et un gabarit abstrait.
Ce sont autant de situations qui permettent d’imaginer ce que pourra devenir le Bordeaux de demain si l’on ne souhaite pas voir ce patrimoine disparaître.
© Richard SICARD, Josselin BOURNEUF, Guillaume BLANCHARD, Mickael TROCME
© Maud ARMAGNAC, Claire Clément
© Julia COQUELLE, Marta BIANCHI, Lorenzo MAJER, Njakaniaina RAJOELINA
© Perrine COMPAIN, Alexandre MAHY, Fabian DHAUSSY